Deux films de Hong Sang Soo : Our sunhi & Hill of freedom - DVD
P**E
Une comédie et pas de proverbe / Plaisir du Jeu
Critique de "Sunhi" :"Sunhi" (ou plutôt "Notre Sunhi", selon le titre original bien plus pertinent) est l'un des films de Hong Sang-Soo qui peut le plus justifier la comparaison habituelle - et assez paresseuse - avec Eric Rohmer : nous suivons en effet la jeune et passablement irritante (comme une héroïne rohmerienne) Sunhi dans ses rencontres croisées et un tantinet manipulatrices avec trois hommes, tous trois plutôt veules, et finalement assez minables. Et, suivant notre appétence pour ce genre de cinéma furieusement conceptuel et pourtant remarquablement juste humainement, nous nous délecterons ou nous nous désespérerons devant ce petit théâtre dérisoire de mensonges, de faux-semblants, ou simplement d'illusions aussi naïves que délétères. Hong Sang-Soo "alcoolise" bien entendu lourdement les confrontations de ses quatre personnages, comme pour nous en révéler encore mieux la vacuité : cette "révélation" n'est heureusement en rien surplombante, ni moraliste, Hong Sang-Soo étant, on le sait, un cinéaste profondément humaniste, jusque dans son humour légèrement piquant. Le joli "twist" de "Sunhi", c'est la répétition des lieux et des scènes (le bar, le poulet,...) dans des configurations différentes, qui pointe combien nous ne faisons souvent que rabâcher des idées et des expressions que nous venons d'entendre (le fameux "il faut creuser...") dans nos babillages finalement vides de sens. Tout cela pourrait être facilement sinistre, si Hong Sang-Soo n'avait la brillante idée d'une dernière scène très réussie, et justement très rohmerienne, réunissant ses personnages dans une ambiance de vaudeville léger au sein d'un décor à la beauté lumineuse. Mais à la différence de Rohmer, Hong Sang-Soo choisit la disparition de son héroïne, lui évitant la confrontation fatale, et nous laissant malicieusement "en plan", et bien incapables de tirer de cette comédie ne serait-ce qu'un proverbe.Critique de "Hill of Freedom" :Avec ce court et réjouissant "Hill of Freedom", Hong Sang-Soo frappe fort et juste. Et réalise sinon son meilleur film - parce qu'il nous faudra plus de recul pour en juger -, mais au moins l'un de ses plus stimulants à date. Stimulant parce qu'au mécanisme initial, un tantinet artificiel mais amusant, celui du mélange inopiné de lettres qui seront lues dans le désordre, donnant lieu à une narration en flashbacks obligeant le spectateur à recoller lui-même les pièces du puzzle narratif (sans même parler de "LA" lettre manquante, qui contient évidemment la scène-clé du film, que nous ne verrons donc jamais), Hong Sang-Soo ajoute subtilement un niveau de doute assez redoutable : ce que nous voyons à l'écran n'est pas tout-à-fait cohérent, et l'on soupçonne peu à peu que nombre de ces scènes sont en fait fantasmées, rêvées, par l'un des protagonistes (la lectrice des lettres ? Et d'ailleurs, est-elle vraiment la personne à qui cette correspondance était destinée ?), jusqu'à un final subtil en forme d'élégante suspension. Bref, Hong Sang-Soo fait ici du Hong Sang-Soo au carré, garantissant la jouissance du spectateur, pourvu que celui-ci ait envie de jouer avec lui. Mais tout ceci serait vain sans le fond de "Hill of Freedom", sans doute plus fort qu'à l'habitude : voici en effet une description amusée mais finalement assez acide des rapports entre coréens et japonais, forcés à converser dans un anglais saccadé et simplificateur qui, s'il nous est faussement familier, réduit les échanges à des stéréotypes plutôt drôles (et ce d'autant que, comme souvent, ils sont largement alcoolisés). Chaque rencontre donne ainsi lieu à une mini-saynète intrigante ou touchante, construisant progressivement un portrait émouvant d'une société vaguement égarée entre aspirations naïves (l'amour, toujours l'amour, la liberté, etc.) et trivialité des rapports quotidiens. Gravir la colline de la liberté n'est pas une sinécure.
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